MONTAGARD Joseph - Magali

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Encore plusieurs choses à ajouter. J'avais conseillé à Chicouloun si elle se rendait à Fontaine de Vaucluse de poursuivre quelques kilomètres plus loin jusqu'à la Crémade, littéralement un lieu brûlé par le soleil est en pleine garrigue. C'est le type même du hameau qui s'est développé au fil du temps. Certaines parties des bâtiments datent de l'époque romaine. L'électricité a fini par arriver, mais on puise toujours l'eau à la source. En été attention aux vipères. Il faut voir aussi le petit musée agricole, les collections de fossiles, d'insectes de reptiles rassemblées par Joseph c'est le travail de toute une vie.
Les santons des Montagard sont en terre grise ramassée et criblée sur le domaine. Ce n'est pas sauf modification récente de la terre achetée toute prête dans le commerce. Les santons sont peints à la détrempe suivant la technique ancestrale, c'est-à-dire en utilisant des pigments mélangés avec de la gomme arabique (c'est de la sève d'acacia).
Quant à la crèche dont parle Chicouloun, elle passe d'un bâtiment à l'autre et est différente chaque année. Elle représente chaque fois un village du Vaucluse. Certain santons sont mécanisés ce qui constitue un exploit quand on pense qu'ils sont en argile crue simplement séchés ou durcis dans l'âtre. Ceux de cette crèche sont d'une vingtaine de cm.
Marcel Provence évoque en page 19 dans l'édition de 1949 de sa Nouvelle histoire du santon les 53 moules créés par Joseph Montagard, la repetiero (marchande de légumes-littéralement la revendeuse), lou chin-rato (le taupier), lou saberu (le savant Robert Caillet (1882-1957- il fut conservateur des musées et de la bibliothèque de Carpentras) et j'ajouterais que le boulanger sur la photo de Chicouloun est un portrait du Carpentracien Jouve qui en plus de faire le pain était un conteur d'exception. Son chercheur de truffes accompagné de son chien mérite aussi une mention particulière.

J'ai gardé un souvenir étrange de ma visite au domaine de Montagard. J'ai trouvé ce site très impressionnant, très beau mais oppressant. Il est chargé d'histoire et a connu si j'ai bien compris des épisodes tragiques. L'endroit est habité depuis des temps très anciens. Voir le diable en santon m'a effectivement surpris et m'a mis mal à l'aise. J'ai gardé de cette visite un souvenir assez bizarre. Certes oui le mal existe on ne saurait le nier. Mais de là à le représenter, le valoriser ! Il y a suffisamment de mal et de souffrances sur terre et je ne vois pas l'utilité de cette présence du diable dans la crèche où au contraire le nouveau-né fait figure de celui qui doit sauver l'humanité, la délivrer du mal. Il y a là des traces de manichéisme ! Je comprends la réaction de cette famille qui a renvoyé le santon. Je crois que si par exemple on met dans nos crèches des vieux et des vieilles ils symbolisent un peu nos ancêtres disparus et leur présence est au contraire ressentie comme rassurante, protectrice car elle maintient le lien sacré du foyer, de la flamme transmise entre les générations. La crèche reste encore je crois chargée de symboles et de gestes rituels que l'on accomplit sans trop se l'expliquer. On met dans une crèche des moutons, des chiens, des oiseaux, des éléphants, des chameaux (même des chats si on les aime n'en déplaise à St François) on n'y met pas des loups, des serpents, des lions ni des tigres. Certains enlèvent même au gitan ou au rémouleur leur couteau. Les santons sont figés pour l'éternité dans le geste, l'attitude, le regard qui reflète le meilleur d'eux-mêmes. C'est pourquoi Margarido l'acariâtre sourit sur son âne avec son panier garni d'offrandes et de cet ivrogne de Pistachié on ne retient que ce personnage sympathique qui va offrir lui aussi de lourds paniers chargés de victuailles. Dans la pastorale Maurel, le boumian qui a quelque commerce avec le diable finit par se convertir devant la crèche.
Je mets dans ma crèche le boulanger Jouve à cause de son histoire émouvante que raconte Marie Mauron.

Je te rejoins parfaitement quand à cette représentation du mal dans nos crèches. C'est, je crois, un phénomène de mode. On dirait qu'il faut absolument sortir de l'ordinaire. J'ai d'excellents amis qui font une crèche de près de 500 santons et qui sont allés acheter ce diable. Comme elle est automatisée, il sort d'une boîte à un moment donné. C'est paraît-il un clin d'oeil ! Moi je veux bien mais je trouve çà ridicule. On fait une crèche pour 1000 et une raisons, mais pas celle-là à mon sens...

Daniel a écrit: Voir le diable en santon m'a effectivement surpris et m'a mis mal à l'aise (...) Il y a là des traces de manichéisme ! Je comprends la réaction de cette famille qui a renvoyé le santon

Lucien a écrit:Je te rejoins parfaitement quand à cette représentation du mal dans nos crèches. C'est, je crois, un phénomène de mode. On dirait qu'il faut absolument sortir de l'ordinaire.

Tout à fait d'accord. On avait déjà évoqué ailleurs le sujet du santon-diable. Je trouve que c'est absolument ridicule et hors de propos. Sans jamais avoir vu réellement de santons Montagard tout cela ne m'inspire guère et je ne suis pas emballée par les réalisations montrées sur les photos.

Sans me faire ...l'avocat du diable, Joseph Montagard l'avait représenté parce qu'il figurait dans les noëls de Saboly et de Notre-Dame des doms (Sant Jousé m'a dit, Lou paure Satan ,,...). Les Montagard le font figurer prisonnier dans une grotte. A l'instar du temple ou de l'étable en ruines qui représentent l'ancien monde et l'avènement du nouveau, ou la victoire de la foi chrétienne sur le paganisme, il a voulu représenter l'asservissement du mal par le bien. La représentation du diable existe aussi dans la crèche napolitaine et un santonnier célèbre, Rodolphe Devouassoux , a représenté en 10 cm vers 1930 les personnages de la crèche bisontine (jouée normalement par des marionnettes) pour la librairie Chevassu Siloé. Parmi eux figure également un diable.
Quant à aimer ou ne pas aimer chacun ses goûts. Ils innovent par l'ajout de certains types et en même temps suivent de très près la tradition comme peuvent le actuellement faire ceux de K. Fraisse ou d'Arlatenco. Ils reflètent avant tout un terroir.
Pour Daniel, François Jouve est un conteur disparu dans les années 50 ou 60. Ce n'est pas le boulanger des figures de cire dont parle Marie Mauron, mais un homonyme qui exerçait aussi cette profession.

Je renvoie simplement au texte de Marie Mauron, dans "Le monde des santons" où elle raconte l'histoire du boulanger et félibre Jouve se promenant dans la rue avec l'avocat Me Garçon qui porte la hotte de pain du boulanger, lequel lui fait le récit des circonstances qui ont conduit son trisaïeul à faire une crèche de cire évoquant le souvenir tragique de la disparition de son épouse et de son fils.

Mondialement connue, la petite cité de Rennes-le-Château, abrite dans son église un bénitier supporté par une représentation du diable, (Asmodée), rehaussé de quatre anges faisant le signe de la croix.
A Montréal de l'Aude, la collégiale Saint-Vincent abrite dans sa chapelle des Fonts Baptismaux une représentation du diable qui soutient également une cuve baptismale.

http://rennes-le-chateau-bs.com/AEgliselebenitieretasmodee.htm

Lors de ma visite dans cette église mon étonnement fît place à un certain malaise. Jamais il me viendrai à l'idée de mettre un diable dans ma crèche.

Daniel a écrit:Je renvoie simplement au texte de Marie Mauron, dans "Le monde des santons" où elle raconte l'histoire du boulanger et félibre Jouve se promenant dans la rue avec l'avocat Me Garçon qui porte la hotte de pain du boulanger, lequel lui fait le récit des circonstances qui ont conduit son trisaïeul à faire une crèche de cire évoquant le souvenir tragique de la disparition de son épouse et de son fils.

Comme cela tout à fait d'accord avec toi. Je pensais que tu faisais référence au personnage du XIXe s.

Le santonnier Robert Noirhomme à qui j'ai rendu visite à Lierneux (Belgique) l'automne dernier, représente également le diable avec quelques sorcières (macralles). Ces personnages font partie d'une légende du folklore belge et ont tout naturellement intégré la crèche exposée chez Robert Noirhomme. Michel, pourrais-tu nous faire un petit topo sur ce sujet ? Merci.

Le diable de Robert est lié à la représentation d'un groupe folklorique, les Macrâles de Vielsalm. Le mot "macrâle" signifie sorcière et c'est vrai que sur le coup, je n'y ai pas pensé. C'était, je pense à l'origine une commande du groupe folklorique qui est né il y a une cinquantaine d'années. Robert représente davantage l'Ardenne de son enfance, il y a une petite soixantaine d'années. Il y a ajouté toute une série de personnages du panthéon légendaire local. On trouve par exemple le nuton qui est un lutin, saint-Nicolas ou Charlemagne. Il a fait aussi un GI de la bataille des Ardennes. Beaucoup des costumes de ses santons sont ceux du début, voire du milieu du XXe s. Si je partage moins cet éclectisme, je dois reconnaître que le tout est fait avec grand talent.
Je vais essayer de vous trouver la légende des macrâles.
Concernant la représentation du diable dans les sanctuaires, il y a un ange déchu au pied de la chaire de vérité de la cathédrale St-Paul à Liège. L'oeuvre en marbre blanc est due au ciseau du sculpteur Guillaume GEEFS. L'oeuvre originale faite par son frère Joseph était jugée comme "trop sublime et susceptible de distraire les jeunes paroissiennes." L'oeuvre actuelle représente un jeune homme séduisant, mais cornu avec deux ailes de chauve souris enchaîné à un rocher recouvert d'une draperie. Il tient une couronne et un sceptre brisé. A ses pieds aux ongles crochus on peut voir le fruit défendu. Cette seconde oeuvre néoclassique est plus conforme à l'imagerie populaire. On peut citer aussi une autre oeuvre dans le namurois à Crupet qui représente dans une série de grottes de rocaille l'hagiographie de St-Antoine. On peut y voir des diables effrayants réalisée par l'Institut Catholique de Vaucouleurs dans la Meuse.



Ange déchu de la cathédrale de Liège



Voici le diable de Crupet. Il est en fonte de fer et fait près de 700 kg.

Magnifique diable .... si on peut lui appliquer ce qualificatif !

A Parignargues - hé oui c'est encore dans le Gard ! - il y a une très belle crèche mécanique ancienne des années 40 créée par le curé du village l'abbé Jeanjean. Magnifiquement entretenue elle est installée à demeure mais n'est visible que chaque année pour les fêtes. Elle attire toujours beaucoup de monde. Cette crèche a aussi une fonction pédagogique. Un phare surmonte le paysage au-dessus de l'étable. Jésus est la lumière du monde. Tout en haut, entre deux anges, St Michel l'archange terrasse le dragon. J'ai beaucoup aimé cette crèche qui mériterait d'être classée monument historique.
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On en découvre tous les jours !
Merci à tous.

Cette crèche est un petit chef-d'oeuvre d'art populaire. Elle fait 12 m² et représente chaque année un village du département du Vaucluse. Elle fête cette année ses 80 ans et c'est la partie nord d'Avignon vue depuis la Barthelasse. Les Montagard se sont installés à la Crémade en 1929. Les photos sont normalement interdites. J'ai photographié avec l'autorisation de Magali. Je la présenterai complète après la fermeture.
Elle est accessible tous les jours jusque la chandeleur de 14 à 18 heures.

De ma visite sur place il y a quelques années j'ai gardé un souvenir bizarre et ces santons qui ont une forte personnalité me font toujours une impression étrange, peut-être est-ce à cause du diable. Si je me souviens bien le domaine qui est très ancien a été le témoin d'évènements tragiques dans un passé lointain.

Daniel a écrit:On met dans une crèche des moutons, des chiens, des oiseaux, des éléphants, des chameaux (même des chats si on les aime n'en déplaise à St François) on n'y met pas des loups, des serpents, des lions ni des tigres. Certains enlèvent même au gitan ou au rémouleur leur couteau.

On y rajoute un ours qui peut s'avérer un redoutable danger, dressé sur ses pattes arrière (pas montré en joli nounours), mais dompté, docile, maîtrisé, une sorte de "diable en laisse" et c'est le boumian qui se charge de le maîtriser, celui qui est sans doute le plus regardé avec mépris et méfiance par les enfants (et les grands) coloré de rouge sang, la même couleur que le diable
Ce pauvre bohémien, seul avec son couteau brillant se retrouve souvent au fond de la crèche, bien caché dans un coin, parfois tournant le dos, et même oublié, laissé dans sa boite par les enfants. En situation de dresseur ou accompagné de ses enfants, dans sa roulotte, sans son couteau visible, il retrouve souvent la faveur de ces mêmes enfants.
Je pense que le diable pourrait avoir une place dans les crèches pour adultes ou collectionneurs et enchaîné ou enfermé derrière des barreaux, mais certainement pas pour une crèche familiale, c'est à dire 99.9% des crèches.